Cass. soc. 2-6-2021 n° 20-12.578 FS-P, M. c/ Sté Air Corsica
Contexte juridique :
Je vous ai parlé il y a quelques semaines de la déduction forfaitaire spécifique qu’on appelle également dans le jargon DFS. Et bien cette dernière fait encore parler d’elle mais cette fois la Cour de cassation vient mettre son grain de sel !
Pour rappel, pour ceux qui n’ont pas suivi, l’employeur peut, pour une liste précise de professions dans lesquelles les salariés engagent souvent des dépenses dans le cadre de leur travail, appliquer une déduction forfaitaire spécifique (DFS) pour frais professionnels.
Parmi ces catégories de salariés se trouvent les apprentis et ouvriers du bâtiment (taux d’abattement de 10%), les artistes (25%), les journalistes et rédacteurs (30%), les mannequins (10%), VRP (30%), ect… La liste complète des catégories de salariés concernés par la DFS est celle de l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.
La DFS peut être intéressante car elle permet de diminuer l’assiette des cotisations de Sécurité sociale et de retraite complémentaire pour certains salariés et l’employeur. Elle augmente alors le net à payer du salarié mais en contrepartie il y aura une incidence sur ses droits sociaux.
Au cas particulier :
Mais que se passe-t-il lorsque les salariés qui ne relèvent pas du champ d’application de cette DFS se la voient appliquer par leur employeur ?
C’est justement ce qui s’est passé pour le personnel navigants commerciaux de Air Corsica et c’est dans ce contexte qu’ils ont à juste titre demandé le paiement de dommages-intérêts à leur employeur en réparation du préjudice subi pour l’application illicite de la déduction forfaitaire spécifique de 30 % pour frais professionnels sur l’assiette des cotisations sociales.
La Cour d’appel saisie de l’affaire, ayant constaté une incidence négative sur les droits sociaux des salariés résultant de l’application injustifiée par l’employeur de cette déduction, a estimé que la compagnie aérienne avait causé aux salariés un préjudice.
L’employeur reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné alors qu’il avait appliqué la déduction forfaitaire spécifique conformément aux instructions données par les autorités fiscales et sociales et après consultation des représentants du personnel. Il s’estimait donc couvert.
Décision de la Cour de cassation :
Et bien non cela n’est pas suffisant !
Pour la Cour de cassation les personnels navigants commerciaux, n’appartenant pas à la liste des professions visées à l’article 5 de l’annexe IV du CGI, ne relèvent pas du champ de la déduction forfaitaire spécifique. Dès lors, la compagnie aérienne qui met en place une telle déduction manque à ses obligations dans l’exécution du contrat de travail, peu important qu’elle ait suivi l’avis des autorités fiscales et sociales ou des représentants du personnel.
Portée juridique de cette décision : A côté du risque URSSAF de redressement, le risque en droit du travail est désormais clairement reconnu
On le savait déjà une mauvaise application de la DFS expose l’employeur à un redressement de cotisations. Désormais, il est clairement reconnu qu’il peut être aussi condamné à des dommages et intérêts pour préjudice lié à l’incidence négative sur les droits sociaux des salariés auxquels cette DFS est appliquée à tort !
Finalement, cette décision s’inscrit dans la même ligne de durcissement annoncé par le #BOSS de l’application de cette DFS.